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Fauchées par la crise économique, ces femmes au foyer, mères de famille ou simples salariées, sont contraintes de se prostituer.

Bientôt 14 heures. Il est temps pour Scarlett Angel d’embrasser ses enfants et d’aller travailler. Sur le pas de la porte de son quatre-pièces propret tapissé de dessins malhabiles, elle fait un geste affectueux à son fiancé, un artisan charpentier qui, chaque week-end, fait la nounou. En jean, sweat-shirt et tennis, elle monte en voiture. Deux kilomètres séparent son domicile de Mound House, un triste bourg battu par le vent glacé du désert, du Love Ranch, l’une des maisons closes légales du Nevada, où la jeune femme négocie âprement le prix de ses appas, cinq jours par semaine.
Pour gagner sa vie, Scarlett, de son vrai prénom Angie, se prostitue. « C’est follement divertissant », déclare-t-elle immédiatement, comme pour écarter les questions difficiles. « Je rencontre du monde, lie des amitiés, et puis j’aime le sexe. À tel point, d’ailleurs, que mon fiancé se demande comment il arrivera à me satisfaire quand je ferai autre chose. » Scarlett a occupé plusieurs postes dans l’industrie du bâtiment avant de se tourner vers le plus vieux métier du monde. Elle précise qu’elle a aussi été une mère au foyer comblée. Jusqu’à son divorce, qui l’a jetée à la rue et forcée à trouver une nouvelle source de revenus. « Je vivais le rêve américain : famille, maison. À l’époque, je n’aurais jamais imaginé devenir une putain. Surtout que je n’avais eu que deux amants dans ma vie, dont mon mari. » En 2008, à 32 ans, Scarlett vivait en Floride, un État particulièrement touché par la crise et le chômage. Dans l’incapacité de trouver un emploi, elle a traversé le pays avec ex-mari et enfants pour s’installer à Carson City, dans le Nevada, afin de pouvoir se vendre en toute légalité. « Je n’ai pas honte, déclare-t-elle, car mon métier me permet d’entretenir ma famille, de payer mon loyer et celui de mon ex, et de mettre de l’argent de côté. »

Situé au bout d’une rue désolée bordée de deux autres lupanars, d’un garde-meubles et d’un cimetière de voitures, le Love Ranch ressemble à un motel bon marché. Une trentaine de pensionnaires de tous âges, physiques, milieux et situations familiales, en majorité poussées elles aussi vers ce métier par les circonstances, y travaillent. L’établissement est ouvert vingt-quatre heures sur vingt-quatre mais c’est vers 15 heures que les filles sortent de leurs alcôves, où elles pratiquent les diverses activités du menu présenté aux clients dès leur arrivée.

« Ils sont moins nombreux qu’avant la crise », explique le manager Marc Medoff, un célibataire d’une quarantaine d’années qui a toujours travaillé dans l’industrie du sexe. « Actuellement, nous avons une moyenne de mille clients par mois. Ils sont d’origines diverses, nous devons donc leur offrir un choix varié. Nous avons deux grands--mères, des jeunes filles entre 18 ans et 22 ans, des trentenaires et des quadragénaires. » L’affaire, qui génère plusieurs millions de dollars annuels (impossible de connaître le chiffre exact), se démarque de ses concurrentes grâce à Medoff, qui teste inlassablement de nouveaux slogans pour attirer le client. L’an dernier, il a vanté l’établissement comme un lieu où on peut s’offrir une « girlfriend », plutôt qu’une putain, en évitant tous les conflits d’une vraie relation. « Nos filles n’ont pas de clients. Elles ont juste de nombreux boyfriends », annonce un néon sur le toit. La majorité des pensionnaires étant des prostituées occasionnelles, le subterfuge fonctionne. Lorsqu’elles prennent -tendrement la main d’un homme pour l’emmener dans leur chambre ou que, après la passe, elles le raccompagnent dans le salon en blottissant leur visage dans leur cou, les clients s’y laissent prendre. Du reste, ils ne choisissent pas forcément la plus belle ni la plus jeune.

Lire l'article intégral dans VSD n°1737 (du 9 au 15 décembre 2010)