Douze avril deux mille quatorze. Ça y’est ça me reprend. Je sens une tension venir se loger dans mon entre-jambe pour se faire de plus en plus vivace. La voilà qui me picote, me démange, puis me chatouille, jusqu’à remonter progressivement. Elle m’oppresse et me hâte, syncopant mon souffle par convulsions. Perte de contrôle, premiers symptômes physiques. Ma conscience se trouble à son tour. Je cherche à me dérober de mon propre esprit. Cette dualité intérieure m’épouvante, fuite en avant mais aucune échappatoire, tout m’y ramène. La jouissance lubrique est à portée de mains et sans effort. Chronique d’une défaite annoncée, ma raison rend les armes, je me résous à frapper aux portes du vice la main tremblante.
Alors que l’objet de ma convoitise n’est pas même disponible, c’est une nouvelle humiliation que de voir mon désir se reporter le plus naturellement du monde sur une créature qui ne recueille que mollement mes faveurs. Mais puisque cet autre en moi ne me laisse pas le choix, va donc pour Anna sur ce meeting revolver.
Le Paris nocturne de la rue Montorgueil s’éveille sans que je n’aie trouvé le temps de manger un morceau. Qu’importe, Anna, alertée par l’agence, m’a préparé une assiette fruitée du meilleur effet : raisins, ananas, mûres, mangues, une opulence digne des orgies romaines.
Elle est fière de sa composition et moi j’en suis enchanté. Vêtue d’une robe jaune légère, elle dégage un charme estival et pétillant. Vingt-trois printemps, une allure juvénile mais une peau du visage abîmée et les cheveux secs.
Très décontractée et bonne vivante, elle papillonne un peu partout dans le loft accompagnée d’une inséparable coupe de champagne. Elle connait bien la prostitution et ses ficelles, il faut dire qu’elle l’a déjà pratiquée du Dniepr jusqu’à la Neva.
Ironiquement, il suffit que je formule préalablement mon exigence d’un éclairage satisfaisant pour que mon hôte se révèle être resquilleuse – je dois avoir un sixième sens pour les renifler. Elle éteint, donc. Je rallume. Cinq minutes plus tard elle nous replonge dans l’obscurité. Mais fini la rigolade, elle jouera aux ombres chinoises avec un autre pékin.
Par une sorte d’incroyable déterminisme, les premières minutes d’une rencontre préjugent de son issue, on est donc bien mal parti. Je privilégie alors une approche en douceur, quelques baisers pour l’apprivoiser. Ni sauvage ni farouche, elle garde prise. Ses vêtements cachaient une peau douce et hâlée, une poitrine ferme et un fessier d’une classe internationale.
Elle se présente devant mon sexe rutilant d’excitation, silence religieux avant de me prendre en bouche. Cet instant c’est un peu comme la première gorgée de bière, un plaisir qui démarre avant-même de sentir son sexe au fond d’une bouche de petite suceuse, puis un bien-être immédiat qui ouvre à l’infini. Elle me pompe à quatre pattes, je vois sa croupe qui relève de l’arrière et devant moi ses courbes m’affolent : je me dois de la doigter expressément. L’appétit charnel vient en s’ébattant, et dans une sorte de régression animale l’envie me prend d’aller dévorer sa petite chatte à grands coups de langue avec une avidité salace.
Elle ne mouille pas vraiment et m’évite du regard. En temps normal mes ardeurs s’en seraient trouvées sèchement réfrénées mais mon instinct primaire a tellement pris le dessus que tout cela n’a guère d’importance, je n’ai qu’en tête de jouir et posséder chaque centimètre carré de son anatomie. Tout ce qui peut être mis en bouche je le gobe et suce ; tout ce qui peut être saisi je le presse et masturbe.
Je me suis agité à l’intérieur de son sexe vingt bonnes minutes durant, il m’a d’ailleurs semblé que c’est ça qu’elle préfère, les gros coups de queue qui la ramone en profondeur. Lorsque je sentais les sensations me gagner, je venais battre la musique deux fois plus vite jusqu’à ne plus sentir mon membre.
En fin de compte, la gêne testiculaire ressentie n’était pas simplement psychique puisque la quantité de sperme dont je l’arrose est proprement phénoménale.
Sympathique douche en duo, ambiance quatrième mi-temps. C’est la première fois qu’elle vient en Europe. Il est des motifs plus avouables, certes, mais Paris, elle s’en fiche. Elle « veut juste boire, dormir et rencontrer de beaux hommes ». En fais-je partie ? Non. Je m’en serais douté. Son téléphone est manifestement meilleur compagnon que moi, mieux vaut la quitter.
Jamais je ne la reverrai, je n’ai été dans sa vie qu’un phallus anonyme qui l’a parcouru égoïstement, un de plus.