Épisode 13
Monsieur Simon - Opus 4
Je revois monsieur Simon
Ce récit est tiré de mon Blog. Je suis libre à partir de quinze heures les vendredis après-midi. Je le rappelle. J'aime alors me rendre à la bibliothèque pour y passer une petite heure avant de rentrer. Je suis abonnée. J'en profite pour ramener les livres empruntés la semaine précédente. Il y a peu de monde le vendredi après-midi. Il n'y a pas que l'intérêt pour la lecture et les livres anciens. J'apprécie de flâner dans les rayonnages déserts. Il y a là parfois d'agréables opportunités en parfaites adéquations avec mes fantasmes. Et puis j'avoue aimer me toucher discrètement en scrutant entre les livres posés sur les étagères. Je peux voir qui arrive, préparer une mise en scène et éventuellement me faire "surprendre" dans quelques égarements dont je suis friande. Ce n'est que de l'écume, sans conséquences et cela ne cause de tort à personne.
Volontairement, tant par inhibition que pas désir de prendre du recul, je n'ai plus donné de nouvelles à monsieur Simon. Quatre mois ont donc passé. Ce qui m'a permis de faire le bilan de cette histoire avec cet homme. Un bilan plutôt positif. J'ai changé mes horaires de visites à la bibliothèque. Je me suis entourée de toutes les précautions nécessaires. Je l'ai aperçu à deux reprises dans les rayons. À chaque fois je me suis dissimulée, j'ai changé d'allée ou me suis discrètement éclipsée. Je suis rusée et stratège. J'anticipe et j'agis en conséquence. J'ai même préparé un argumentaire en cas de rencontre fortuite. Ce qui s'est produit une fois il y a un peu plus d'un mois. Il faut que je partage cette aventure avant de continuer. Elle m'a laissé une curieuse impression que je relate ci-dessous. J'ouvre une parenthèse.
La parenthèse
Un samedi après-midi, avec maman, nous sommes allées à la ville. Il y a une quinzaine de kilomètres depuis la maison. Il faisait moins froid. Les rues piétonnes noires de monde. C'est là, au premier étage de la FNAC, que je le croise. Monsieur Simon, immédiatement reconnaissable. Nous nous sommes d'ailleurs reconnus. Il a eu cet œil malicieux que je lui connais bien. Il est probablement accompagné de sa femme, de sa fille. Ce bref regard suffi à installer un peu de cette vieille complicité. Oh, c'est furtif. Juste un instant. C'est également émouvant et excitant. J'ai beaucoup apprécié. Tout en détournant rapidement le regard. Surtout sans sourire comme il le fait discrètement. Il n'est pas seul sur l'escalator. Je détourne les yeux. J'entraine maman vers les livres de poches. Je n'y pense déjà plus.
Quelle surprise. Nous nous croisons une nouvelle fois dans une des ruelles pittoresques et médiévales. Le crépuscule arrivant, les illuminations féériques de Noël participent de l'enchantement du moment. Cette fois, je surmonte mon inhibition. Je soutiens son regard fixe. Maman ne fait absolument pas attention à tout ça à ce moment précis. Elle compare des prix dans la vitrine d'une boutique. Heureusement car je joue à fond. Monsieur Simon, d'un geste rapide, échappant également à tout le monde et surtout aux deux femmes qui l'accompagnent, pointe son index sur sa braguette. Les pans de son manteau légèrement ouverts. Il le fait deux fois. Afin d'être certain que je comprenne bien. Le vicieux. Il n'a pas changé. Malgré mon ressenti, plutôt négatif, j'aimerais pouvoir aller bavarder un peu avec lui. Maman devine toujours mes troubles. Nous continuons à flâner dans les rues animées du centre.
Je conserve précieusement les coordonnées de monsieur Simon. je me promets de le contacter prochainement. Il est hélas impossible de nous revoir à la bibliothèque municipale comme les autres fois. Je vais avoir mes entraînements d'équitations les vendredis après-midi. Déjà presque quatre mois se sont écoulés depuis nos troublants et excitants égarements communs. Il y a maintenant au fond de moi un sentiment d'écœurement. Étrangement cet écœurement est pourtant source d'excitation. Cet homme est un menteur. Je déteste le mensonge. Je vais sérieusement chercher un lieu et un prétexte de substitution à la bibliothèque. Pourtant, si je me souviens bien, monsieur Simon m'avait affirmé être seul dans la vie !
Les hommes sont donc souvent des menteurs quel que soient leur âge ? Peu importe le flacon, pourvu qu'on ait l'ivresse...
Je ferme la parenthèse pour revenir à mon récit.
Je suis dans l'allée habituelle. Quelle n'est pas ma surprise de voir arriver monsieur Simon. Nous nous étions rencontrés ici, il y a presque un an. Je ne l'ai plus aperçu depuis presque un mois. Dans la rue, avec maman, où son comportement obscène m'avait importuné. Pas l'acte en lui-même mais le fait qu'il soit accompagné. Qu'il se permette cette attitude que j'interprète comme une trahison envers ses proches. J'éprouve un frisson. Comme une décharge électrique qui parcourt mon échine. Je suis soudain couverte de sueur. C'est malsain cette fois. Monsieur Simon est vêtu de son vieux manteau gris sombre. Une écharpe négligemment enroulée autour du cou. Un pantalon de velours marron, des gros souliers noirs. Il n'a pas changé. Même silhouette un peu forte. Les cheveux blancs. Il vient par là avec sa démarche assurée. Dynamique. J'hésite. Vais-je me faire "surprendre" ? Vais-je tout simplement changer d'allée pour aller me cacher ? Tout cela se bouscule dans mon esprit. Je suis soudainement "possédée" par mon désir secret. Impossible d'y échapper.
Je m'accroupis devant les livres du bas. Consacrés aux écrits concernant la biochimie, la recherche agraire et l'écologie. Même si le sujet ne me passionne pas vraiment, je tire un des ouvrages pour le feuilleter. << Je rêve ! >> s'écrie monsieur Simon arrivant derrière moi. Je me redresse. Je suis excellente comédienne. Je mime la surprise. Monsieur Simon me tend la main. Je tends mon poing. Il se met à rire en le touchant du sien et en disant : << Cheek ! >>. Nous nous saluons. << Comment allez vous chère Valona ? Ça fait une éternité ! Je pense souvent à vous ! >> continue t-il. Je parle un peu de moi. Je suis en jupe. J'ai le feu au ventre. Je regrette de ne pas avoir préparé une situation plus tendancieuse. Monsieur Simon me parle de lui. Il s'apprête à publier son second livre. J'écoute.
Je suis peu désireuse de me lancer dans de longues conversations. Trop soucieuse de retourner à mes petites solitudes coquines. J'invente un prétexte. En bavardant, je n'ai pas immédiatement vu ce que faisait exactement mon interlocuteur de ses mains. Je découvre qu'il se touche d'une main. Lorsqu'il me voit fixer sa dextre, il lance : << À mon âge, on ne change plus ! >>. Amusée par la réplique je réponds : << Il faut garder les bonnes habitudes ! >>. Monsieur Simon, me voyant me diriger vers le bout de l'allée me fait : << Je vous invite à boire un café, prendre une pâtisserie ! >>. Devant mon hésitation il rajoute : << Soyez originale, comme jadis, dites oui ! >>. Il se touche. Une acte volontaire, délibéré. Nous nous regardons. Ma main sur le tissu de ma jupe, j'appuie mon sexe.
Je suis à la fois terriblement gênée, terriblement excitée. Les paroles de ma mamie me reviennent à l'esprit : << Un moment de honte est si vite oublié ! >>. En ce qui me concerne, les moments de honte participent de mon plaisir. Je m'entends répondre : << Oui, je suis d'accord ! >>. Je propose de nous revoir devant la bibliothèque d'ici un quart d'heure. Le temps que j'enregistre mes deux emprunts à l'accueil. En traversant la grande salle, je tombe sur une collègue étudiante. Nous échangeons quelques mots. Je me dépêche de descendre le large escalier en colimaçon. Le bâtiment est une ancienne ambassade du dix neuvième siècle. Je sors pour descendre les marches extérieures. Monsieur Simon est là, devant les grilles du parc voisin. Il consulte l'écran de son téléphone.
Il ne me voit pas arriver. Je fais : << Coucou ! >>. Il se retourne. À la lumière du jour, il paraît plus âgé que sous les plafonniers électriques de la bibliothèque. Le salon de thé est au coin de l'avenue et de la rue mercière. Nous marchons vite. Nous montons à l'étage. Assise devant un chocolat chaud et une tranche de tarte aux myrtilles, j'écoute monsieur Simon. Il approche de sa retraite. C'est pour la fin du mois de juin. Retraité de l'enseignement, professeur de littérature, il se promet de passer beaucoup de son temps libre à écrire. Je parle un peu de mes études. Il m'écoute avec attention. << Un petit copain ? >> me demande t-il en prenant une expression malicieuse, avec un clin d'œil. Je précise : << Non ! Juste une petite relation très agréable ! >>. Monsieur Simon, enthousiaste, me fait la même proposition qu'au mois d'octobre.
<< Pourquoi ne pas se rencontrer à la bibliothèque le vendredi après-midi avant un petit tour en voiture ! >> fait il en me fixant de son regard plein d'espièglerie. Ses yeux bleus son perçants. Il ne me laisse pas le temps de répondre. Il rajoute : << J'ai une nouvelle auto depuis le début du mois de janvier. Je vous invite à la découvrir. Une Tesla ! Vous savez Elon Musk dont on parle beaucoup en ce moment ! >>. J'écoute. J'ai envie de me toucher. La personnalité de cet homme me procure une étrange excitation. Je le devine vicieux. Pervers. Il m'a montré son sexe à plusieurs reprises dans les rayonnages de la bibliothèque. D'en reprendre une nouvelle fois conscience me fait vaciller sur ma chaise. J'y pense très souvent durant mes masturbations. Ces individus exercent sur ma psyché de curieuses émotions. Je veux toujours en savoir davantage sur eux. Sur leurs déviances. En fait, je ne connais que monsieur Simon.
Comme s'il devinait mes pensées, monsieur Simon dit à voix basse, pour ne pas risquer d'être entendu : << J'ai adoré vous la montrer ! Je crois que je pense à ces situations tous les jours ! >>. J'écoute. Je n'ose pas avouer qu'il en va de même pour moi. Cet homme pourrait être mon grand-père. À l'étage il y a une dizaine de tables. Quelques clients. Personne ne nous prête la moindre attention. << On se fait un scénario WC ? >> me demande soudain monsieur Simon. Une nouvelle décharge électrique me couvre de frissons. Je manque de courage. J'ai la profonde conscience de passer à côté d'une grande occasion. Je décline son offre. << On se voit vendredi prochain ? À la bibliothèque pour 15 h30 ? Soyez originale, acceptez ! >> fait encore le vieux pervers avec un clin d'œil. Je me lève en faisant simplement : << Au revoir ! >>
Je m'accorde cette semaine de réflexion. Je suis très attirée. Je devine de grands moments "torrides". Vais-je surmonter mes désespérantes inhibitions ?
À suivre